Vendredi 20 mars.
Mise en place, dans ma mairie, d'une cellule de crise.
La détresse, la peur, la solitude, la bêtise parfois aussi, des gens nous arrive en pleine gueule. Par téléphone interposé, on est protégé du virus. Pas du reste.
Je retrouve dans ce début de chaos un univers que je n'aime pas, mais qui m'est familier. Je suis partagée entre l'envie de m'en servir pour être utile, et la crainte que ça se remarque.
La semaine prochaine il est entendu qu'une collègue prenne mon relais. Je suis soulagée quelque part. Au travail, en effectif très réduit, les gestes barrières contre la contamination sont faciles à respecter, mais se tenir à deux mètres de ses interlocuteurs ne limite pas la propagation de l'angoisse. Elle est palpable, dans l'air, présente. J'ai hâte de me cloîtrer chez moi, de n'entendre que les oiseaux et la musique. Par comparaison, je m'énerve contre ceux qui sortent encore, dans l'incompréhension du plaisir qu'ils semblent y trouver.
Pour la première fois de la semaine, je passe au supermarché, dans l'idée de n'avoir pas du tout à sortir de chez moi la semaine suivante. Peu de monde, la panique semble passée. Les rayons sont moins pleins qu'en temps normal c'est vrai, mais toute personne qui vient seulement faire ses courses pour la semaine trouvera largement son bonheur.
Je ne sais pas si c'est déjà l'habitude d'être seule, ou un moyen de tenir l'angoisse ambiante à distance, je ne me rends pas compte que je chantonne dans les rayons. Il y a très peu de monde, un homme traverse le rayon, me remercie pour ma bonne humeur. J'ai envie de rire en pensant qu'il y a une semaine, cet homme, dans le cas où il ne serait juste pas resté indifférent, aurait plus eu envie de me trouver juste bizarre, et pas forcément de me remercier.
Est ce que subitement les fous sont considérés comme normaux ou est-ce que ce sont les gens normaux qui deviennent déjà fous?